mercredi 30 mai 2012

Tana-Paris

Nos bagages sont enregistrés. Même nos arbres ! On a fait nos adieux à Harry. Nous voilà en salle d'embarquement maintenant.... Presque deux heures à attendre....
Beaucoup d'images qui s'entremêlent.... En un mois, on a rencontré des gens remarquables ou étonnants - Haingo, Antonio, Rodin, Patrice, François et Pénélope, voire même exceptionnels -le Père Pedro, partagé ensemble et avec nos amis Patrick et Emilie, Olivier,Véronique et Valérie des moments intenses, on a voyagé en taxi-brousse et en 4x4, on a navigué en pirogue et sur un boutre, vu le soleil se lever sur l'Océan Indien et se coucher sur le Canal du Mozambique, randonné dans la forêt équatoriale, traversé des déserts, voyagé à bord d'un des plus vieux trains du monde encore en service, roulé sur une route mythique et sur des pistes quasi impraticables, on s'est rempli les yeux de vert, de bleu et de rouge.
Et surtout on a vécu au rythme de la grande île... on l'a parcourue en "voyageurs", on a re-découvert ses richesses, on a été envouté par sa beauté fascinante. On a aussi cotoyé le désarroi, voire la détresse des Malgaches, que leur gentillesse ne parvient pas à masquer, devant les difficultés de leur quotidien, on a entendu leurs immenses attentes envers l'Occident et la France en particulier, devant les incertitudes quant à l'avenir de leur pays.
On était arrivé avec une grande question. 35 ans sont passés...  Où en était Madagascar ?  Pierre, Olivier et Patrick sont unanimes, même si leurs analyses et leurs regards sont différents. Le pays a reculé. Jamais, ils n'avaient vu autant de chars à boeufs sur les routes... Les routes, les infrastructures laissées par les Français ne sont pas entretenues. Les quelques chantiers en cours -bouts de routes ou ponts- sont financés par la communauté européenne suite aux différents cyclones. Seuls accèdent à une vie décente, ceux qui se sont créé une petite activité qui les amènent directement aux contacts avec les vazahas ou les touristes....
Certes, il n'y a plus de coopérants... mais les associations humanitaires -omniprésentes- les ont remplacés... Ce qui est sûr, c'est que les Malgaches, eux, se sentent abandonnés, livrés au bon plaisir de quelques familles qui détiennent le pouvoir économique à leur seul profit... Ils savent très bien que leur pays est pillé, que les revenus qui en sont tirés sont réinvestis à l'étranger, que la corruption est partout et que l'argent n'arrive jamais... Ils savent très bien que l'immobilisme politique actuel arrange, en fait, tous ceux de la coalition... qui profitent des avantages liés à l'exercice du pouvoir... donc que la "transition" va durer, que les élections auront lieu aux calendes grecques... Ils savent très bien que l'instruction est la clé de tout, mais ils n'ont pas les moyens d'envoyer régulièrement leurs enfants à l'école et que pour investir pour l'avenir, il faut encore pouvoir s'affranchir du présent, qu'un enfant à l'école, c'est des bras en moins dans les rizières ou un sourire de moins au bord des routes à proposer des fruits ou des bricoles aux touristes...
Alors, certes, on se sent remplis de souvenirs extraordinaires mais aussi avec une certaine tristesse au coeur. Un peu comme quand un endroit familier, auquel on tient, a été abandonné, abîmé ou dévasté...
Mais la porte s'ouvre, l'air au parfum désormais familier nous enveloppe....