mardi 22 mai 2012

Antsohihy-Diego

Il était dit que nous n'irions pas à Analalava.... Après la piste, c'est la météo qui nous a joué un mauvais tour... Nous pensions que la pluie d'hier soir n'était que momentanée... Genre "pluie du soir, espoir"... Point du tout... Il a plu à verse toute la nuit et ce matin horizon bouché et nuages noirs nous font la nique quand on ouvre la porte du bungalow. Au travers du rideau d'eau, on aperçoit vaguement la terrasse où nous attend le petit déjeuner. Pas besoin de discuter, on reprend la route. Aucune envie de s'enfermer à l'intérieur du bateau avec les vapeurs de diesel...

Allez, direction Diego ! çà fait quand même bizarre de rouler sous une pluie battante... La RN6 continue de dérouler les scènes de la vie ordinaire... enfants qui vont à l'école bien à l'abri dans leurs imperméables aux couleurs vives, femmes qui vont au marché sous leurs grands parapluies, paysans dans leurs champs de cultures maraîchères, troupeaux de zébus... Sur la route, très peu de voitures particulières. C'est le domaine des camions et des taxi-brousse. Aussi, à chaque fois qu'on s'arrête, on fait toujours autant sensation... Les gens viennent nous voir, nous demander dans un français approximatif si on est en vacances ou si on est de Tana, si on va rester longtemps et surtout surtout si on est bien à Madagascar... Les plus âgés s'expriment plus facilement et n'hésitent pas à livrer le fond de leur pensée... que c'est beaucoup le bazar maintenant, que personne ne tire profit de la situation de transition sauf ceux qui sont au pouvoir, qui eux ont intérêt à ce qu'elle dure, que tout ce qu'ont laissé les Français se dégrade faute d'entretien, que la population en a assez de tout çà, qu'il y a eu des manifestations à Tana mais que çà ne changera rien... qu'il n'y a pas de travail et que quand il y en a, il n'est pas rémunéré à sa valeur, que les plus grands profiteurs de la misère de l'immense majorité de la population sont les Malgaches des "grandes familles" . Mais paradoxalement, on sent davantage de tristesse que de révolte dans leurs voix...

Ce pays est bien étrange... un climat extraordinaire, des paysages fabuleux, des richesses immenses, un potentiel agricole exceptionnel, une main-d'oeuvre importante et un des plus bas niveau de vie du monde... à 1heure de Maurice ou de la Réunion... Tout celà donne lieu à des discussions animées dans la voiture. Donc, malgré le mauvais temps qui nous force à réduire l'allure, on ne voit pas la matinée passer et on fait notre entrée dans Ambanja -Ambanj'- pour déjeuner.

L'approche de la ville est impressionnante ! Au bord de la route, les teks ont remplacé les manguiers, quand ce ne sont pas des plantations de cacao -Ambanja est le fief des chocolats Robert, d'ailleurs je vous recommande "aux gombavas et beurre salé"- de poivre, de vanille et le haut lieu de la production d'ylang-ylang. Tout celà donne une atmosphère au parfum capiteux et indéfinissable, exacerbé par l'humidité.

Un petit crochet jusqu'à Ankify -Ankif'- d'où partent les bateaux pour Nosy Be. Etonnant... c'est l'embarcadère pour une île qui fait rêver dans le monde entier et aucune infrastructure touristique... un village de pêcheurs comme un autre avec ses cabanes sur pilotis et son marché couvert... ananas et avocats -énormes, de petis ballons de rugby ! à profusion. Rien qui ressemble à une gare maritime... pas d'horaires de traversée, même pas de rabatteurs pour un bateau ou un autre ! De toutes façons, on juste venu pour l'ambiance...

Direction Diego, deuxième partie ! La route est toujours en bon état et on roule régulièrement... au milieu des cyclistes qui, des poissons accrochés en bouquets de chaque côté de leur guidon, pédalent comme des forcenés pour être dans les premiers au marché... Et voilà Ambilobe, carrefour entre la route du nord vers Diego et celle de l'est vers Vohémar et la côte de la Vanille. On en profite pour appeler François, ancien collègue franco-malgache de Patrick à Bordeaux, reparti s'installer à Diego et qui nous offre l'hospitalité ce soir. Il nous attend et conclut par "soyez prudents".

On va vite comprendre pourquoi.... Au bout de quelques kilomètres, l'état de la route se détériore et la chaussée bitumée devient quasi inexistante. Les trous succèdent aux trous et entre les trous, des ornières... On va mettre 4 heures pour faire les derniers 130 kilomètres... Personne devant, personne derrière.... quasiment personne en face non plus d'ailleurs... Le Kangoo passe difficilement... La sono à fond, on chante pour se donner du courage. Trahis par Johnny ! Un trou que Patrick voit trop tard et pneu avant droit crevé.... On trouve un endroit à peu près plat pour changer la roue... L'obscurité est totale... juste nos lampes torches... Démonter la roue, sortir l'autre... entre temps le cric bouge et plie... Pas pris au dépouvu, les zoms glissent des pierres pour le soulager mais pas suffisamment pour présenter la roue de secours... moment de flottement. Et là, on devine plus qu'on ne voit arriver quelqu'un. Sans un mot, il nous fait signe de soulever l'avant de la voiture, remet une pierre et le tour est joué ! Roue, boulons... on se relève... il a disparu ! On n'a même pas pu le remercier...


Trous, trous, ornières, c'est reparti.... De notre arrivée sur Diego, on ne voit rien... Délestage.... Il fait nuit noire... La route de l'université, la barrière, et enfin au bout, François et Pénélope !