mercredi 9 mai 2012

Canal des Pangalanes

Autrefois, avant les colons, le canal des Pangalanes était une succession de lagons peu profonds, abrités de l'océan par un cordon de dunes côtières. L'ensablement aidant, ils ont finis par être coupés de la mer et alimentés uniquement par l'eau douce de tous les cours d'eau qui dévalent vers la côte. La circulation de marchandises -fruits, légumes, poissons, bois, sisal, épices- était importante malgré les contraintes... déchargement et chargement de rives en rives.


Dans la deuxième moitié du 19ème, pour faciliter le transport marchand et le contrôle administratif et militaire sur la région, les colons, sous l'impulsion du Maréchal Galliéni, entreprirent de créer une voie entièrement navigable. Ils l'ont rêvée, les coolies chinois l'ont faite... et le trafic fluvial fut florissant jusque dans les années 60 et le départ des Français...


Depuis, faute d'entretien, bien des portions ne sont plus navigables, les gros bateaux ne passent plus. Retour en arrière toute et cabotage d'un village à l'autre en pirogue...


A Manakar, les pêcheurs embarquent les touristes pour des balades à la journée vers le nord comme vers le sud. Sur des pirogues un peu améliorées quand même ! Elargies, couvertes d'un taux. 4 à 6 personnes peuvent y prendre place, en plus des 4 rameurs, du cuisinier et du guide. Nous, on n'était que tous les deux !


En dépit du côté mora mora indéniable, il faut quand même bien se préparer ! Hier soir, Patrice, notre guide, nous a briefés. Les vêtements rouges sont interdits sur le canal... Les "risques" de pluie et de moustiques sont réels, donc prévoir de quoi se protéger... -d'ailleurs à propos de moustiques, on a commencé la Malarone- et comme il nous faudra parfois patauger dans une eau saumâtre, des chaussures qui tiennent aux pieds. Plus crème solaire, chapeaux, serviettes et maillots ! Le reste -le pique-nique- il s'en occupe ! Et pas laisser traîner les mains dans l'eau.... il n'y a plus beaucoup de crocodiles mais pas tenter le diable malgré tout !


A peine à bord, direction la plage en face sur laquelle les femmes attendent la pêche du matin pour aller la vendre au marché. Il faut approvisionner le pique-nique... Patrice inspecte, discute... Vu qu'on n'est que tous les deux, la recette de la journée ne sera pas énorme, pas de folle espérance... la langouste risque d'être hors budget... 70 000 Ariary la journée pour nous deux, autour de 25€... A répartir entre 6 personnes, l'intendance et le bateau...



Au départ, le port marchand, à l'abandon lui aussi... porte plus au désespoir qu'à la rêverie... Pas mieux pour le pont métallique -visiblement délabré- qui est pourtant vital pour la ville...

Ensuite, on se laisse aller au fil de l'eau et envoûter par la beauté et la tranquillité des paysages qui défilent sous nos yeux... Le canal est encombré de plantes aquatiques inconnues. On reconnaît juste les jacinthes d'eau -que les malgaches ne consomment pas- ou les nénuphars en fleur. Entre les roseaux, des pêcheurs solitaires glissent silencieusement sur leur pirogue. Sur les berges s'entremêlent bambous, palmiers et oreilles d'éléphants, les villages aux cases en revanala se succèdent. Le fil d'une journée ordinaire se déroule devant nous : paysans qui conduisent leurs zébus, femmes qui font la lessive, linge qui sèche dans l'herbe, enfants qui jouent et font de grands signes... Tout celà au rythme régulier et apaisant du ploc-ploc des rames pour nous bercer et avec le fumet du déjeuner qui commence à mijoter pour nous chatouiller les narines ! Ouah !!! elle est pas belle la vie ??

La matinée se termine au "trou du commissaire", une belle plage de sable blanc que la barrière de corail toute proche protège des assauts de l'océan. Un peu bizarre comme nom... souvenir d'un fonctionnaire qui désertait régulièrement son bureau et en avait fait son refuge un peu trop quotidien... Se baigner dans cette piscine naturelle aurait pu être le temps fort de la journée sans le festin qui nous attendait à l'ombre ! Salade d'avocats, achards de carottes et de radis, poisson grillé, poisson-sauce, roumazaff, légumes sautés... riz, fruits et même café. Tout est absolument dé-li-cieux !!! Un ban d'honneur pour le cuistot !!!


Au retour, les incontournables "arrêts techniques". On se sent évidemment un peu pris au piège mais au moins les achats des touristes bénéficient directement aux villageois... épices, vanille, huiles essentielles.


Un autre intérêt de la journée a été d'écouter Patrice. Contrairement à Haingo qui reste très réservé, il n'hésite pas à répondre à nos questions et à développer sa compréhension de la "situation" économique et politique actuelle de Madagascar, à donner sa position sur les "évènements" des dernières années et à partager ses espoirs de changement rapide, ses attentes pour son pays. On se sent bien loin des interprétations occidentales des "sphères bien informées"...